n°8

Le trajet se fit dans le silence. A bout de nerf, la jeune femme finit par s’endormir, la tête contre la paroi. Face à elle, son mari la regardait dormir. Quelque chose avait changé chez elle. Ces six mois, son amour pour le roi l’avait rendu plus mûre, différente. L’aimerait-il autant que la jeune femme, fraiche et légèrement naïve qu’il avait épousé ? Mais surtout saurait-il oublié qu’elle en avait aimé un autre ? Il avait passé une nuit blanche à l’imaginer dans les bras du roi. Il avait vu en pensée, John la caresser, l’embrasser et entrer en elle. Toutes ces choses qui n’appartenaient qu’à lui, elle les avait données à un autre. Pourrait-il jamais lui pardonner ? Elle gémit dans son sommeil. Elle avait mal, sur son visage était inscrite une expression douloureuse. Sans réfléchir, il prit place à ses côtés et l’attira contre lui. Elle s’y blottit et sans ouvrir les yeux, lui dit :
- Merci Guy …

Elle se réveilla quelques heures plus tard, le nez contre le torse solide de son mari. Il avait eu pitié d’elle et lui avait offert ses bras pour la soulager. Entre temps, il s’était à son tour endormi. Doucement, elle posa ses lèvres sur les siennes. Elles étaient douces et contrastaient avec le picotement de sa moustache. Il ne s’était pas rasé ce matin. Elle aimait lorsqu’il avait cette apparence quelque peu négligée. Elle correspondait tout à fais à son caractère, à sa façon d’être. Guy n’était et ne serait jamais un courtisan, c’était un soldat, un homme du peuple qui s’était élevé à la force des bras… jusqu’à aujourd’hui. Elle en voulait à John d’avoir infliger cela à son mari. Il n’était pas responsable de ses choix. Il n’avait pas à payer pour elle. Elle profita une nouvelle fois de son sommeil pour l’embrasser, une dernière fois. Il avait été clair avec elle, il ne se laisserait pas approcher de sitôt, elle n’aurait donc plus l’occasion de pouvoir le faire. Mais il ouvrit les yeux. Elle retint son souffle.
- Gaëlle …
- Je ne … Pour te dire merci …J’en avais envie … sentir tes lèvres contre les miennes.
- Cela n’arrangera rien
- Rester loin l’un de l’autre non plus mais … Je t’ai trahi et déçu, je le sais et je comprends que tu ne veuilles plus de moi.
- Que je ne veuille plus de toi ? Je ne pense qu’à ça au contraire !
- Alors pourquoi me tiens-tu à distance ?
- Parce qu’il t’a touché ! Parce qu’il t’a …
- Parce que tu n’as jamais touché une autre femme peut être ?
- C’était différent !
- Parce que je n’avais que 12 ans et qu’elle était ta femme ?
- Non ! Oui !
- Il y a eu quelqu’un ces derniers mois, c’est cela ?
- Non … mais l’envie était présente. Chaque nuit, je rêvais de toi et à chaque fois, j’étais réveillé par cette … ce désir de toi !
- Et tu as … Jamais, tu n’as épanché cette soif ?
- Ne comprends-tu pas que tu étais la seule à pouvoir le faire ? Il a fallut que je …
- Soulage seul ? Finit-elle à sa place un sourire moqueur sur les lèvres.
- Ecoutes nous parler, bon sang !
- Si je ne peux pas parler avec mon mari de ces choses là avec qui ?
- Ton amant ?

Elle soupira et reprit place sur la banquette face à lui. Puis faisant mine de mettre de l’ordre dans sa jupe, elle lui dit :
- Nous n’avions pas cette complicité que nous avons toi et moi.
- Ce qui veut dire ?
- Je n’ai jamais ressenti la liberté que j’ai avec toi.
- Comment était-ce …
- Le sexe avec lui ?
- Non … Pourquoi lui ?
- Parce qu’il a su trouvé les mots. Il était là au moment où j’en avais besoin. Ensuite … Tout s’est fait naturellement.
- N’as-tu jamais pensé à nous ? Notre mariage ? Tu portes mon enfant
- Je croyais que tu m’avais abandonné Guy …
- Faut-il que tu aies une bien mauvaise opinion de moi pour ne pas me croire lorsque je t’ai juré de venir te chercher.
- J’étais aveuglée par ma douleur et sourde à toutes tes promesses. Je savais quelque part au fond de moi, que tu viendrais, que ton retard devait être causé par … Une fois, j’ai même imaginé qu’un des enfants était malade ou blessé.
- Pourquoi ? Pourquoi Gaëlle ?
- …
- Réponds-moi
- Il n’y a pas de raison.
- Pourquoi moi ?
- Parce que quoi que je fasse, avec qui que je sois, tu es la première personne à qui je pense au réveil. C’est vers toi que m’emportent mes rêves. C’est toi que j’imagine quand …
- Quand ? Ne serais-tu pas en train de rougir ?

Gênée, elle ne dit rien et détourna la tête. Guy éclata de rire. Dehors, Robin sourit, leur voyage n’était pas aussi difficile qu’il l’avait imaginé et aurait donné cher pour savoir ce dont ils pouvaient discuter. A l’intérieur de la voiture, Guy tourna la tête de son épouse pour qu’elle le regarde.
- Lorsqu’il s’agit de moi, tu fais la maligne, mais quand on parle de toi, tu rougis.
- Une femme n’est pas sensée faire ces choses là.
- Une autre peut être mais cela ne s’applique pas à une femme aussi sensuelle que toi. Cela t’arrives souvent ?
- Guy ….
- Réponds-moi ! Lui ordonna-t-il d’une voix rauque.
- Quelques fois, dans le bain … Quand tu es loin de moi ou … Avant de te connaître, je n’avais jamais …
- Parce que … avant nous soyons mariés ?
- Tu ne te doutais même pas de mon existence.
- Racontes moi la première fois…
- Guy …

Il la prit alors sur ses genoux, colla son dos contre la paroi du véhicule et l’embrassa. C’était un vrai baiser, un de ceux dont la passion ne pouvait être contenue. Il l’embrassait à perdre haleine tout en malaxant ses seins. Mais trop vite, il se détacha et taquin lui demanda :
- Racontes-moi
- J’étais dans ma chambre, avant qu’elle ne soit habitée par les rats. Cet après-midi là, tu as participé à l’entraînement des soldats. Tu n’as pas ménagé tes efforts et a plongé dans tête dans l’abreuvoir avant d’enlever ta chemise. Tu n’étais pas le premier homme torse nu que je voyais, j’avais d’ailleurs surpris des domestiques de mon oncle en plein ébats mais te voir si grand, si fort et musclé, m’a donné un drôle de sensation. Sur le coup, j’ai repoussé l’idée et suis allée m’occupée des enfants. Mais le soir, seule dans mon lit, les deux images, toi et les domestiques se sont mélangées et je t’ai imaginé me faisant l’amour. Mes mains se sont mises seules à caresser mes seins puis …
- Continues ! Murmura-t-il à son oreille
- Puis, mon ventre et enfin mon sexe … Il était humide mais pas de sang … Et puis mes doigts calmaient cette brûlure que j’avais dans le ventre. Dans ma tête, tu étais là, tu me caressais, me touchais à cet endroit. Et puis, il y a eu cette chose, cette libération et je me suis endormie sereine.
- Si j’avais su quel spectacle m’attendait là haut …
- Tu ne m’aurais pas … Pas à ce moment là …

Il allait lui répondre mais la voiture s’arrêta. Robin frappa à la porte et depuis l’extérieur s’écria.
- Nous faisons une pause. Le temps de reposer les chevaux !
- Veux-tu marcher pour te soulager un peu ? Demanda Guy à son épouse.
- Ce n’est pas le fait de marcher qui me soulagera
- Je sais … Nous reprendrons cette conversation plus tard … Crois-moi.

Mais lorsqu'ils reprirent place en voiture, l'humeur de Guy avait changé. Gaelle l'avait vu discuter avec Robin et comprit que celui-ci avait du lui dire quelque chose qui l'avait chagriné.
- Il t'a parlé de John, c'est ça? Lui demanda-t-elle sur un ton peu amène.
- C'est cela.
- Dieu m'est témoin, j'aime énormément Robin mais s'il nous empêche de nous retrouver, je le tue de mes propres mains.
- Il ne comprend pas.
- Il n'y a rien à comprendre Guy! J'ai partagé son lit et c'est une erreur que je trainerai toute ma vie. Mais je ne m'en excuserai plus, c'est fini! Et certainement pas devant Robin.
- Qui es-tu? Où es la femme qui m'a reproché mon amour pour ma défunte épouse?
- Elle a grandit et mûrit! Elle a vécut dans la certitude de t'avoir perdu, a souffert et comprend maintenant ce que tu as ressenti!
- J'ai mis plus d'un an à accepter mais sentiments pour toi! Tu as mis 2 mois!
- J'étais en colère Guy! Je ne me cherche pas d'excuse, ce que j'ai fais, je l'ai fais mais maintenant c'est terminé! Alors soit, tu ressasses ça avec ou à cause de Robin, soit tu vas de l'avant et tu acceptes de recommencer et tu nous laisses une chance, Guy!
- Viens là, lui dit-il en lui tendant la main.

Elle vint de nouveau s'installer sur ses genoux. Sa colère était passée. Elle posa sa tête contre son cou.
- Donnes-nous une chance Guy.
- Je suis là, la voilà notre chance.
- Pourquoi a-t-il fallu que tu lui parles?
- Parce qu'il est mon ami, lui répondit-il en souriant.
- Il a tout fichu en l'air.
- C'est vrai.
- Tu allais me raconter en plus, ajouta-t-elle mutine.
- Te raconter quoi?
- La première fois que tu m'as désiré
- Moi? J'allais te raconter ça?
- Je l'ai fait moi!!
- Jusqu'à ce que je finisse par accepter mes sentiments, mon désir pour toi a toujours été empreint de culpabilité. C'est beaucoup moins mignon que toi.
- Cela a été dur n'est-ce pas? Lui demanda-t-elle plus sérieuse.

Elle avait pris sa main et jouait avec ses doigts. Il déposa un baiser sur sa tempe. Le moment était venu pour eux de parler à coeur ouvert.
- J'avais l'impression de trahir mes voeux, de la trahir. Je n'avais pas le droit de te désirer et encore moins celui de t'aimer. Et puis, tu étais si jeune et naïve.
- Naïve?
- Innocente, je dirais. Amicia avait déjà vécut lorsque je l'ai rencontré. Tu ne connaissais rien de la vie. Tu as d'ailleurs découvert tes premiers émois sexuels en me voyant torse nu.
- Beaucoup de femme ne connaissent qu'un homme dans leur vie...
- Elle n'épouse pas un homme de 45 ans mon amour, et un homme dont la vie a plutôt été dissolue ...
- Ton passé a fait de toi ce que tu es maintenant, Amicia aussi ...
- Amicia aussi oui ...

Il porta ses doigts à sa bouche et y déposant quelques tendres baisers. Puis il appuya sa tête contre celle de son épouse et lui dit:
- Elle a sauvé ma vie
- Alors je lui doit beaucoup... J'ai souvent souhaité de la rendre... Mais égoïstement ...Si elle était encore en vie qu'aurai-je?
- Ta beauté aurait ravi le coeur de John
- J'étais une fille pauvre, comment aurai-je pu rencontrer le roi? Et puis...Jamais tu ne m'aurais regardé.
- Tu es une femme qu'on ne peut ignorer mon amour.
- Ca fait mal de savoir que je dois mon bonheur, mon enfant, de ton malheur.
- Telle que je la connaissais, je dirais que c'est elle qui t'a placer sur mon chemin. Elle n'aurait pas voulu que je finisse seul et alcoolique. Et puis, tu as soulagé la peine de ses enfants. Et leur bonheur n'avait pas de prix pour elle.
- Tu crois qu'elle m'aurait aimé?
- Comme une soeur ...
- Tant que je ne serai pas approché de toi.
- C'est vrai ...

Le silence qui s'installa entre eux fut teinté de tristesse. Guy pensait à ces deux femmes qu'il avait réellement aimé. Blotti contre Gaëlle, il ferma les yeux et vit Amicia, aussi belle que le jour où elle lui était apparue la première fois. Elle avait un sourire bienveillant, elle lui donnait sa bénédiction. Contre sa tête, il sentit le bébé bouger. Cet enfant était son avenir, leur avenir. Il ouvrit les yeux et regarda son épouse. Belle mais devenue si grave.
- Je t'aime Gaelle

Ils arrivèrent à Nottingham en fin de soirée, dans une certaine hostilité. Les amis du couple n'acceptaient pas la relation de la jeune femme avec le roi et le lui faisaient savoir. Les enfants étant couchés, Gaëlle décida d'aller les embrasser mais avant de monter, elle leur déclara:
- Je n'ai pas l'intention de m'excuser ou de m'expliquer sur mes actions. Cela m'est bien égal que cela vous plaise ou non. Guy est la seule personne qui ait le droit de me demander des comptes. Si vous n'êtes pas capables de pardonner, vous pouvez partir pour ne plus revenir.

Sur ces mots, elle gravit les escaliers la menant à la nursery. Au pied de l'escalier, Guy la regarda monter. Ector s'adressa à lui:
- L'enfant est devenue une femme, Gisborne.
- Pas grâce à moi.
- Mon garçon, oubliez qui et profitez du résultat.
- Vous avez raison ....
- L'avantage de l'âge, lui répondit son beau-père en lui tapant sur l'épaule.

A l'étage, Gaëlle entra doucement dans la chambre des enfants. Guillaume dormait mais Aelys avait les yeux bien ouverts.
- Gaëlle! S'écria-t-elle lorsqu'elle la vit. Très vite, elle sortit de son lit et partit à la rencontre de son amie. Je savais que papa te ramènerait. Il l'avait promis.
- Et ton papa tiens toujours ses promesses.
- Toujours!
- Et tu vois, lui dit sa belle-mère en posant la main sur son ventre, je ne suis pas revenue seule.
- C'est mon petit frère? Lui demanda l'enfant en la touchant à son tour.
- Ou ta petite soeur.
- Je préférerai une soeur, j'ai déjà un frère.
- On ne choisit pas mon ange.
- Tu restes pour toujours dis?
- Pour toujours, maintenant, au lit! Lui dit-elle en la bordant.

Guy qui les avait rejointes embrassa sa fille qui les bras autours de son cou lui dit « merci ». Pendant ce temps, la jeune femme était en train de câliner Guillaume qui ne se réveilla pas. Les adultes quittèrent alors la chambre pour rejoindre celle de Gaëlle. Devant la porte, Guy hésita.
- Tu entres avec moi? S'enquit la jeune femme
- Je ne sais pas si c'est une bonne idée.
- Me faire l'amour ou dormir avec moi?
- Les deux.

Gaëlle soupira et se hissa sur la pointe des pieds pour l'embrasser sur la joue.
- Bonne nuit alors.
- Bonne nuit ...

Le lendemain, alors qu'il rattrapait le retard accumulait pendant son absence, Guy vit Héliape entrer.
- Puis-je vous parler Guy?
- Bien sûr
- C'est au sujet de Gaëlle ...
- Le contraire m'eut étonné ... Héliape si vous venez me parler de sa relation avec John, vous pouvez ressortir.
- Ma fille doit se retourner dans sa tombe...
- Votre fille n'était pas un ange, elle a commis ses propres erreurs, eut ses propres coups de coeur Héliape. Je l'ai épousé telle qu'elle était et je ferais de même avec Gaëlle
- Mais les enfants...
- Ecoutez les rire ! Ils sont heureux, Guillaume a pleuré de joie ce matin.
- Ce n'est pas parce que les enfants aiment cette femme qu'elle sera capable de leur donner une bonne éducation... Bon sang Guy, elle a couché avec cet homme!
- Et cela ne regarde que moi!
- Non! Cela va se savoir et votre réputation en prendra un coup! Vous ne pensez quand même pas que les gens ne vont pas jaser ? Elle a été envoyée à Londres, vous revenez riche et titré! Dieu seul sais ce qu'ils ont pu faire!
- Heliape ...
- Elle n'a aucun sens de la bienséance, elle est débauchée! Elle était enceinte quand elle vous a épousé! Et oh mon dieu, elle s'est donnée à lui enceinte!!
- Ca suffit! Vous allez m'écouter une fois pour toute! Gaëlle est ma femme, si vous continuez de l'insulter, je vous demanderai de partir et ne plus revenir.
- Mais les enfants...
- Sont les miens!
- Ils méritent tellement mieux...
- Elle sera parfaite! Je ne peux vous obliger à l'aimer. Mais elle est ici chez elle et je vous demanderai de la respecter.
- J'abuse n'est ce pas?
- Vous abusez mais je sais que vous ne voulez que le bien des enfants.
- Je vais vous laisser travailler...
- Merci

Guy regarda sa belle-mère sortir du bureau. En apparence, elle avait raison mais en réalité, il savait que Gaëlle n'était en rien la femme qu'Héliape avait décrite. Il se mit à rire à l'idée que la vieille dame découvre l'activité à laquelle il s'était adonné la veille lorsqu'il avait laissé son épouse dans sa chambre et qu'il s'était retrouvé seul à l'imaginer découvrant les plaisirs de la chair, le soir où elle l'avait torse nu.