Un fois par semaine, l’humeur de Gaëlle s’assombrissait quand elle recevait des nouvelles de la forteresse. Le premier message la fit pleurer. Guy s’y excusait de son comportement et l’assurait de sa présence si par malheur, cette nuit scandaleuse avait des répercussions. Heureusement tel ne fut pas le cas, et elle put lui répondre que tout pourrait être oublié. Parfois, quand Robin et son épouse avait besoin d’intimité, elle partait seule dans la forêt de Sherwood. Lors de ses promenades solitaires, elle réfléchissait à cette relation qui n’en était pas une et était venue à la conclusion que ce soir là Guy n’avait eu besoin que d’une présence féminine, elle s’était trouvée sur son chemin consentante et passionnée, il avait prit ce qu’il voulait. Elle aurait tellement désiré chérir le souvenir de cette étreinte mais l’idée qu’il l’avait caressée et aimé en pensant à une autre refaisait naître ses nausées. Le plus sage aurait été de démissionner, quitter Nottingham et mettre le plus de distance possible avec lui mais où aurait-elle pu aller ? Son oncle et sa tante avaient été claires à ce sujet, ils ne voulaient plus d’elle. Un soir, elle demanda à ses amis s’ils connaissaient une famille à la recherche d’une gouvernante, leur exposant son besoin de quitter Nottingham. Elle n’eut pas besoin de leur dire pourquoi, tous deux étaient déjà bien conscients de ses tourments. Ils refusèrent de la laisser partir et lui proposèrent de rester avec eux autant qu’elle le désirait. Elle promit d’y réfléchir mais une nouvelle de Nottingham vint bouleverser ses projets. En imitant sa sœur, Guillaume était tombé de cheval et réclamait sa présence. Elle ne prit pas la peine de faire ses bagages ni de se changer et partit de suite rejoindre l’enfant.
Guy, Ector et Héliape se trouvait sur le perron du château quand elle fit son entrée, juchée sur la jument de Marian, une robe bleue incrustée de fil d’argent lui recouvrant le corps. Guy en eut le souffle coupé. Au cours du mois écoulé, il s’était persuadé qu’elle avait perdu pour lui tout attrait. Son absence n’ayant pas créé le vide qu’il avait imaginé, il pensait en avoir fini avec le désir qu’il ressentait pour elle. Mais, il sut dés l’instant où il posa ses yeux sur elle qu’il n’avait fait que se mentir. Elle lui avait manqué plus qu’il ne voulait se l’avouer. Il n’aspirait qu’à de nouveau pouvoir gouter à ses lèvres, sentir sa peau douce et parfumée sous ses doigts. Ce matin là, à son réveil, il avait été assailli par des sentiments contradictoires. Le premier avait été de la culpabilité envers son épouse qu’il avait trahie. Mais plus surprenant, il avait été déçu de se réveiller seul, sur le tapis devant la cheminée dont le feu avait fini par mourir. Rien ne laissait apparaître que quelques heures plus tôt, ils avaient passés des instants passionnés. Elle l’avait quitté sans un mot. D’ailleurs, elle avait aussi quitté le château quand il demanda à la voir. Elle s’en était allée comme prévue rejoindre Locksley. De colère, il lui avait fait porter un parchemin dans lequel il s’était excusé, rabaissant leur nuit à un simple besoin physique mais lui avait assuré de prendre soin d’elle si un enfant devait en naître. Une semaine plus tard, elle lui répondit de ne pas s’inquiéter, que telle ne serait pas le cas. Leurs échanges n’avaient plus concerné alors qu’Aelys et Guillaume.
A côté de lui Héliape laissa échapper un hoquet de surprise.
- Oh mon Dieu, on dirait Elisabeth !
- Pardon, lui répondit son beau-fils.
- Cette jeune femme est le portrait craché de Lady Kendal. Jamais je … quel choc… Elle ne fait pas que lui ressemblait, elle monte avec la même témérité qu’elle, se tient comme elle…Qui est-ce Guy ?
- Gaëlle, la ….
- Oh mon dieu, sa fille ! Ector, il s’agit de leur fille. S’écria-t-elle la main sur le cœur.
- Elle a les yeux de son père, lui répondit son mari qui étudiait attentivement la nouvelle venue.
- Quelqu’un peut-il m’expliquer ce qu’il se passe et de quoi vous parlez ? demanda Guy.
Mais avant qu’on ne puisse lui répondre, une tornade blonde s’abattit sur la jeune femme. Aelys venait de sauter au cou de sa nourrice, ce qui fit sourire son père. Gaëlle était parvenue à se faire accepter. Elle n’avait pas cherché à forcer la fillette mais l’avait assurée de son amour et de son soutien. L’enfant avait alors pris son temps pour se laisser apprivoiser. Tout comme Guillaume qui ne cessait de la réclamer depuis qu’il était alité, Aelys s’était attachée à elle. Le shérif reporta son attention sur ses beaux-parents et leur révéla qu’il s’agissait de la nouvelle gouvernante des enfants.
- Quelle pitié que l’enfant de Simon Kendal soit tombée si bas alors qu’elle avait un avenir si flamboyant ! S’exclama Héliape.
- Comment ça ? S’enquit Guy
- Elle était destinée à épouser le fils de Richard où les cas échéant, Richard lui-même. Malheureusement, ses parents sont morts avant d’avoir pu assurer son avenir. La petite a été envoyé chez des parents et Richard n’a rien pu faire.
- Vous êtes en train de me dire que Gaëlle était … est la fille d’un noble ?
Guy ne savait si c’était le fait qu’elle soit noble et donc qu’il l’avait déshonorée ou celui qu’elle ait été promise à un homme assez âgé pour être son père qui le dérangeait le plus. Mais il savait Il lui faudrait parler de cette situation avec la jeune femme au plus vite.
- Lord Simon Kendall, le plus fidèle des fidèles de Richard, répondit Ector. Ne vous l’a-t-elle pas dit ?
- Elle est très discrète quant il s’agit de sa famille. Peut être en aura-t-elle discuté avec Guillaume mais pas avec moi.
- Il est normal qu’elle ne se vante pas d’une telle déchéance. Déclara Héliape. Dire que nous l’avons vu enfant. Elle faisait partie du cortège lors du mariage d’Amicia et Harold. Je me souviens d’une enfant joyeuse et pleine de charme qui s’était prise d’un gros attachement envers ma fille. Mais je m’égare, excusez-moi Guy.
- Il n’y a rien à excuser, lui répondit-il en souriant. Je ne suis pas contre le fait de partager avec vous les souvenirs d’Amy.
Pourtant, son esprit n’était, pour une fois, pas tant avec Amicia que tourné vers Gaëlle. Leur premier diner lui revint en mémoire et avec lui, la façon dont elle avait précipitamment quitté la table après que Guillaume ait mentionné Harold. Elle avait alors deviné qui était Amy. Mais pourquoi le lui avoir caché ? Pourquoi s’être enfuie ainsi ? Il voulait le savoir et le lui demanderait lorsqu’ils seraient enfin seuls. Lorsqu’elle serait enfin installée dans la chambre qu’il ferait préparer pour elle, loin de ce réduit qu’elle occupait.