Cela faisait déjà plusieurs semaines qu'elle était installée au château et Gaëlle y avait pris ses marques. Libre de faire ce qu'elle voulait avec les enfants, elle avait établi un emploi du temps qui tout en leur inculquant des notions d'arithmétiques et de géographie, leur laissait beaucoup de liberté. Elle avait été très heureuse de découvrir à quel point ils étaient érudits. Les moments passés avec eux étaient ceux qu'elle préférait. Aelys était encore rétive mais elle n'avait pas dit son dernier mot et avait encore quelques bottes secrètes. Guillaume avait été quand à lui très facile à apprivoiser. Il avait un tel manque de sa mère qu'il s'était attaché à elle parce qu'elle était une femme. Féru d'histoire, il l'écoutait parler. Elle lui racontait alors les histoires de son père, les croisades et son amour pour sa mère. Un jour, ils furent rejoint par un homme qu'elle n'avait jamais vu et qui les écouta. Guillaume qui au bout d'un instant le remarqua lui demanda.
- Pourquoi papa n'est-il pas allé à la guerre, Oncle Robin?
- Il a préféré rester au pays.
- Mais toi tu y es allé pourquoi pas papa?
Avant que Robin ne put répondre, Gaëlle prit la parole.
- Ton papa a préféré rester parce qu'il ne croyait pas aux théories du Roi, Guillaume. Cela ne fait pas de lui un mauvais homme, juste un homme de convictions.
- C'est quoi des convictions?
- Il a ses propres idées et ne suit pas aveuglément celles d'un Roi. Maintenant, tu vas aller laver tes mains et prendre un fruit pour ton goûter.
Elle le regarda partir le sourire aux lèvres. Robin, adossé à un arbre, la regardait avec attention.
- Gisborne s'est-il qui était votre père?
- Non et je vous prierai de ne rien lui dire Monseigneur.
- La fille de Kendal ... Je l'ai bien connu vous savez.
- Comment m'avez-vous reconnue?
- Vous êtes le portrait de votre mère ... une grande beauté ...
- Pour ce que cela apporte ... Mon père m'a raconté vos exploits Robin des bois.
- Donc vous connaissez les faits d'armes de Guy
- Je sais que mon père lui devait la blessure qu'il avait au bras.
- Comment la fille de Kendal peut-elle être devenue la domestique de Gisborne?
- Mes parents sont morts sans héritiers mâles... Promettez-moi de ne rien lui dire.
- Mais votre lignage est beaucoup plus ancien que le sien ...
- S'il vous plaît ...
Il y avait tant de pitié dans ses yeux, que Robin lui promit de ne jamais parler. A partir de ce jour, ils devinrent amis. Il lui raconta les exploits de son père qui fut un des lieutenants de Richard. Elle était heureuse d'enfin pouvoir parler de ses parents et d'être considérée comme ce qu'elle était: une jeune lady. Guillaume les suivait partout où ils allaient. C'était d'ailleurs la seule condition qu'elle émettait pour rencontrer Locksley, qu'ils soient accompagnés. La présence de l'enfant les protégeaient des commérages.
Un jour, alors que tous trois se promenaient, Aelys vint les rejoindre très en colère. Elle s'en prit comme à son habitude à Gaëlle qui n'éleva pas la voix quand elle lui dit.
- Vous serez privée de dessert jeune fille!
- Nan parce que papa mangera avec nous ce soir et qu'il m'en donnera! De toute façon, je lui dirais de te renvoyer parce que tu ne t'occupes jamais de moi.
- Tu es une menteuse! S'écria Guillaume!
- Nan!
La petite fille lui sauta alors à la gorge. Robin sépara les deux enfants. Mais une fois de plus Gaëlle intervint avant qu'il ne puisse dire la moindre parole.
- Guillaume, tu vas rentrer maintenant et te préparer pour le diner! Quant à toi jeune fille, dit-elle en s'adressant à Aelys. Nous allons passer un marché! Tu fais de l'escrime n'est-ce pas?
- Oui, c'est papa qui m'a appris!
- Bien, toi et moi allons nous battre. Si tu gagnes, je m'en vais. Mais si JE gagne, tu changeras de comportement avec moi. C'est d'accord?
- Pff je vais gagner.
Le combat eut lieu dans la cour du château. Dans un premier temps, Gaëlle, maladroite, fut prise d'assaut par la fillette. Mais sans que celle-ci ne put voir comment, elle se fit désarmer. A la fois en colère et admirative, elle regardait sa nourrice qui lui rappela les termes de leur marché.
- J'ai gagné, vas-tu changer de comportement?
- J'ai promis.
Tête haute, l'enfant se retourna et partie en direction du château. Robin émit un sifflement.
- Je ne connais qu'une personne au monde capable d'un tel maniement de l'épée.
- Mon père, lui répondit la jeune femme en souriant. J'avais douze ans quand il est mort, il avait eu le temps de m'apprendre certaines choses.
- Que vous cachez bien.
- Je ne pouvais tout lui dévoiler. Aujourd'hui, elle me déteste mais il y avait de l'admiration dans ses yeux. Elle finira par m'accepter.
- Elle a hérité du caractère de sa mère.
- D'après ce que j'en sais, c'est une bonne chose non?
- Oui, c'en est une. Quelque chose ne va pas? Vous êtes bien pâle.
- Si tout va bien ... Mais la vie est injuste. Ces enfants avaient un mère qu'ils aimaient, cette femme avait une vie parfaite et c'est moi qui suis ici à sa place. J'aurai préféré ne pas l'être et leur laisser leur mère.
- La votre vous manque n'est-ce pas?
- Plus que je ne l'imaginais ... J'étais comme Aelys avant et puis... j'ai du changé. Je ne veux pas qu'elle le fasse.
Incapable de retenir plus longtemps ses larmes, Gaëlle laissa libre cours à son chagrin. Robin l'attira à lui et la consola. Sur les remparts, Guy les regardait. Mauvais, il cria le nom de son ami.