N°4

Octobre arriva et avec lui l’anniversaire de Robin. Une fête fut organisée dans Locksley où bien évidemment Guy et sa famille furent invités. Les retrouvailles furent tendues mais facilitées par l’absence de Gaëlle qui préféra rester dans sa chambre. Assise à la fenêtre, elle vit Aelys et Guillaume partir à l’assaut des jeux que des bohémiens avaient organisés. Ils respiraient la joie de vivre et par un mouvement d’humeur qu’elle considéra bien égoïste, elle regretta de ne pas plus leur manquer. Guy entra soudain dans son champ de vision, plus grave et fermé que jamais. Ses seuls sourires étaient adressés à ses enfants. De son perchoir, elle pouvait voir à quel point il les adorait. Elle ne pu s’empêcher de passer la main sur son ventre. Les enfants d’Amy, les seuls qui ne compteraient jamais. Elle quitta son fauteuil et se mit devant le miroir. Robin et Marian avaient été encore une fois plus que généreux avec elle et lui avait offert toute une nouvelle garde-robe avec l’espoir de voir son nom réhabilité. Et pourtant, il avait fallut qu’elle les trahisse en acceptant l’étreinte du shérif dans la cabane abandonnée.
- La tristesse vous rend encore plus belle, lui dit une voix qui ne lui était pas inconnue.
- Lord Ector … Répondit-elle en s’inclinant.
- Vous a-t-on déjà dit à quel point vous ressembliez à votre mère ?
- Souvent lorsque j’étais enfant, moins depuis sa mort. Je n’ai plus l’occasion de fréquenter des personnes qui auraient pu la côtoyer.
- Je vous le dit alors, mon enfant, vous êtes son portrait vivant.
- Merci
- Mais jamais Elisabeth n’a eut cette tristesse au fond des yeux.
- Ma mère était heureuse, murmura-t-elle d’une voix voilée par la détresse. Excusez-moi, je ne …

Mais incapable de se contenir, elle éclata en sanglots. Ector la prit alors entre ses bras et comme il l’avait fait des centaines de fois avec sa propre fille, il la consola en prononçant quelques paroles réconfortantes. Une fois calmée, elle se dégagea de son étreinte.
- Je vous prie de m’excuser
- Vous n’avez pas à le faire, Gaëlle. Tout le monde a le droit de pleurer, surtout après ce que vous venez de vivre.
- Je me suis tout à fais remise de mon agression.
- Je ne parlais pas de votre santé.
- Il n’y a rien d’autre …
- Rien d’autre que la perte tragique de vos parents, de votre rang et si je puis… vos sentiments chaque jour plus grands pour Guy.

Ector était impressionné par cette très jeune femme qui était devant lui. Par bien des côtés, elle ressemblait à son Amy. Comme sa fille avant elle, Gaëlle avait été trop entière pour n’accepter qu’un simulacre de mariage et partager Guy avec sa défunte épouse. Il avait beau aimer son gendre comme un fils, il lui en voulait de rester attacher ainsi à Amicia empêchant quiconque de faire son deuil. A ne pas vouloir la laisser s’en aller, il avait enfermé tout le monde dans son souvenir. Ector avait aimé sa fille comme seul un père pouvait l’aimer mais elle était partie et chacun d’eux devait se reconstruire. Et si lui, le propre père de la jeune femme pouvait y parvenir, son mari le devait aussi. Il le fallait, pour lui-même et pour ses enfants. Aelys et Guillaume devaient pouvoir se souvenir de leur mère sans tristesse. Ils avaient le droit de rire à son évocation, de s’émouvoir mais ne pas craindre de chagriner leur père. Et puis, il y avait Gaëlle. Il avait sincèrement cru qu’elle serait celle qui ferait de nouveau vivre Nottingham. Mais l’entêtement de son beau-fils était tel, qu’elle avait à son tour perdu toute joie de vivre.
- J’ai bien connu vos parents, vous savez. Ils n’auraient pas voulu vous voir ainsi.
- Le temps cicatrisera les blessures …
- Pas celles du cœur
- Dés que j’aurais un endroit où aller, je quitterai la région pour ne plus jamais revenir. L’éloignement aura raison de ce stupide sentiment.
- Il n’est pas stupide d’aimer
- Quand cet homme vous est interdit, oui. Il n’aimera jamais qu’elle. Il l’a érigée en icône. Il l’aime tellement qu’il …
- Qu’il ?
- Ces dernières paroles ont été très dures. Il m’a comparé à elle et m’a bien fait comprendre que je ne serais jamais elle …
- Il n’aurait pas …
- Le pire c’est qu’il avait raison ! Amicia était parfaite mais que dire de moi qui venais de m’offrir à lui dans une cabane au fond des bois ?
- Gaëlle, tenta de l’arrêter Ector, mais la jeune femme ne put s’arrêter et avoua.
- Mais je n’ai pas tout perdu. Il me reste son enfant. Un bébé que je chérirai et à qui je pourrais donner tout l’amour que son père refuse d’accepter !

Un cri retentit alors dans tout Locksley, rappelant aux plus vieux un temps qu’ils auraient préféré oublier.
- GISBORNE !!!!!

A l’extérieur, Guy interloqué et inquiet, se précipita vers le manoir, Robin sur les talons. Quand il entra dans la grande salle, il vit son beau-père trainant une Gaëlle réticente à l’idée de descendre les escaliers.
- Ector ! S’écria Robin. Que vous a fait cette jeune femme qui mérite aussi peu de respect ?
- Ce n’est pas ce qu’elle m’a fait, mais ce que LUI a fait ! répondit le vieil homme en pointant son beau-fils du doigt.

Robin comprit de suite ce dont voulait parler la père d’Amicia et ferma la porte de la pièce à tous regards ou oreilles indiscrets. C’était la première fois que Guy voyait Ector dans un tel état d’énervement. Derrière lui, Gaëlle sanglotait ouvertement et ne se fit pas prier pour se rejoindre les bras que Robin lui tendait, tout en lui répétant qu’elle était désolée.
- Vous n’êtes qu’un vaurien Gisborne ! Un scélérat de la pire espèce, l’invectivait son beau-père.
- Je ne vois pas ce dont vous voulez parler.
- Vous l’avez couchée sur l’herbe comme une paysanne ! La fille de Kendall !! Mais si vous vous en étiez contenté … Non, il a fallut que vous la mettiez enceinte !
- Enceinte ?
- La fille de Kendall !! La briser n’était pas assez ? Vous lui ruinez sa réputation maintenant ?
- Ector … je … je lui ai proposé de m’épouser, elle a refusé et c’est enfuit, je vous le rappelle.
- Et quel genre de mariage, tu lui proposais, Gisborne ? Peux-tu le rappeler ? Intervint Robin.
- Stop, murmura Gaëlle … STOP ! Je ne veux plus vous entendre ! Laissez-moi !

Elle se dégagea de l’étreinte de Robin et s’enfuit en courant.

Laissant les deux hommes dans la grande salle, Guy suivit la jeune femme jusque dans Sherwood. Essoufflée par sa course et en larmes, il la retrouva adossée à un arbre.
- Gaëlle …
- Va-t’en ! Laisse-moi !!
- Je ne peux plus
- Bien sûr que tu peux, tu veux que je t’aide ? A.MI.CIA ! lui cria-t-elle en décomposant chacune des syllabes.

Ce coup bas fonctionna et il se rembrunit, lui prouvant ainsi que rien n’avait changé que malgré les semaines de séparation, il n’avait pas changé.
- Tu portes mon enfant
- Qui te dit qu’il est de toi ? Etant donné la bonne opinion que tu as de moi, pourquoi es-tu si certain qu’il s’agisse de ton enfant ?
- Parce tu ne t’es donné qu’à moi.
- Qu’est-ce qui t’a fait changer d’avis depuis la dernière fois ? Je ne suis plus une catin à peine autorisée à prononcer le nom d’Amicia ?
- De quoi parles-tu ?
- Ne me dis pas que tu as oublié ?
- Je crains de devoir te dire oui.
- Tu m’insultes, me rabaisses plus bas que terre et tu ne t’en souviens plus ?
- Je ne me souviens pas de mes mots exacts mais jamais je ne chercherai à t’humilier. J’ai agis sous la colère. Mais jamais je n’en pensais que tu n’étais qu’une catin
- Mais le résultat est le même… Je suis enceinte et te voilà contraint de m’épouser.
- Combien de fois faudra-t-il que je répète que c’est ce que je veux depuis le début ?
- Jusqu’à ce que quelqu’un te croit …
- Epouses-moi. Je prendrai soin de toi, de notre enfant aussi.
- Mais tu ne m’aimeras pas …
- Je ne veux pas te blesser …
- De toute façon, lui répondit-elle en haussant les épaules. Je ne peux plus refuser maintenant que tout le monde connaît mon secret. Mais je te préviens Guy, je refuse que tu le brises comme tu l’as fais avec moi ! Si jamais tu lui refuses ton amour parce qu’il n’est pas l’enfant d’Amicia, je ferais en sortes que tu ailles rejoindre ta précieuse épouse ! M’as-tu bien comprise ?
- Tu parles comme elle l’aurait fait pour les enfants.
- Ne me compare jamais à elle ! Je suis Gaëlle ! J’ai mon propre caractère, mes propres idées, je ne suis pas elle !!

Doucement, Guy s’approcha de Gaëlle et la prit contre lui. Ainsi enlacés, il pouvait sentir cette odeur de muguet qui se dégageait d’elle et qu’il aimait. Elle lui avait manqué.
- Tu as raison tu sais … lui dit-elle contre son torse
- A quel sujet ?
- Je ne vaux pas grand-chose à côté d’Amicia …
- Ne dis jamais une chose pareille. Je refuse que tu le croies.
- Elle ne se serait jamais fait mettre enceinte avant le mariage, elle !

Un sourire étira les lèvres de Guy, le souvenir de ses fiançailles écourtées lui revint en mémoire. Il embrassa sa toute nouvelle future épouse et lui dit avec une tendresse teintée d’humour.
- Amicia attendait Aelys lorsque nous nous sommes mariés.
- Voici la confirmation de mes pires craintes ! S’éleva la voix d’Ector qui l’avait suivi accompagné de Robin.
- Ector ? Je …
- Que croyez-vous Guy ? Que je ne savais pas compter ?
- Je suis désolé …
- Vous n’avez pas à l’être ! Ma fille était heureuse et voilà tout ce qui comptait ! Maintenant tachez d’en faire de même avec celle-ci. Et si vous le permettez, Gaëlle, je serais honoré de remplacer votre père pour vous emmenez à l’autel.