N°2

Le lendemain, Gaëlle se leva angoissée à l’idée de se retrouver seule dans le bureau du shérif. Mais très rapidement, elle fut soulagée d’apprendre qu’il avait du quitter la forteresse pour se rendre plus loin dans le comté régler une affaire qui risquait de dégénérer. Elle décida donc d’emmener les enfants dans la forêt. Sous le prétexte d’une chasse au trésor, ils y découvrirent la flore . Malheureusement, la journée fut gâchée par une dispute entre les enfants et à contre cœur, elle fut obligée de les punir. Ils rentrèrent de mauvaise humeur et furent privé de goûter.

Guy resta éloigné du château toute la journée. Deux villages du comté s’étaient déclarés la guerre et il lui avait fallut user de toute sa force de persuasion pour faire cesser les hostilités. Il ramenait avec lui les chefs des deux factions opposées. Un séjour dans les cachots de Nottingham ne leur ferait pas de mal. Il s’apprêtait à monter son cheval lorsqu’une petite fille entra dans son champ de vision. Elle devait avoir cinq ou six ans. Elle portait une magnifique robe couleur d'automne qui se mariait parfaitement avec ses longs cheveux châtains. Lorsqu’elle le fixa de ses grands yeux marrons, il cru voir Gaëlle. Il ferma les paupières, secoua la tête pour en faire sortir l'image de la nourrice de ses enfants. Quand il les rouvrit la petite le regardait toujours fixement, il lui sourit et grimpa sur sa monture.

Le retour au château fut calme. Les hommes fatiguaient gardèrent le silence. Ils arrivèrent au château avec le nuit. Bien qu'épuisé, Guy se rendit dans la chambre des enfants. Sur le chemin, il interpella une domestique, lui ordonnant de préparer de lui préparer un bain. Dans la nursery, les enfants étaient d'humeur chagrine. Il lui expliquèrent avoir été punis par Gaëlle après leur ballade en forêt. Guy apprécia leur franchise, aucun d'eux ne tenta de lui cacher les raisons pour lesquelles leur nourrice avait été si sévère. Bien sûr, ils furent déçus lorsqu'il refusa de les libérer de la punition mais leur mauvaise humeur s'évanouit à l'aide d'un baiser et d'une câlinerie, et ils s'endormirent alors qu'il leur racontait sa journée. Il quittait leur chambre sur la pointe des pieds quand un cri perçant retenti.

Guy se précipita vers la chambre de Gaëlle d'où état venu le hurlement. Il ne prit pas la peine de frapper et la vit tétanisée, en vêtement de nuit, à côté de son lit. On y avait déposé entre les draps un rat qui avait mis bat. Il y avait toute une portée. La mère était en position d'attaque, prête à défendre ses petits contre l'intruse. La jeune femme avait du déranger l'animal en soulevant les couvertures. Avant que le rat ne lui saute dessus, Guy attrapa Gaelle par le bras et l'attira contre lui. Tétanisée par la peur, elle ne chercha pas à le repousser et se serra convulsivement contre son torse.
_ Il ... il m'a mordu ... ma jambe...

Sans un mot, Guy la souleva et l'emmena dans sa chambre. Il la fit assoir dans le fauteuil et inspecta son mollet. Elle avait effectivement été mordue et saignait abondamment. Il prit un linge qu'il trempa dans l'eau de son bain qui avait été préparé et revint nettoyer sa plaie. Elle sursauta quand il apposa le savon sur sa jambe mais retint son cri de douleur.
- Je ne vais pas avoir une maladie?
- Nous verrons demain avec Dajcq mais il n'y a eu aucun cas de rage dans la région depuis de longues années.
- La ... la rage? Vous ne croyez ... Oh mon dieu!! Je suis trop jeune pour ... les enfants, il faut m'éloigner des enfants!!

Elle s'était levée précipitamment, et tentai de s'en aller. Il l'en empêcha en lui tenant la taille.
- Gaëlle, Gaëlle ... Vous n'avez pas la rage. Tout ira bien, vous verrez Djacq vous soignera demain.
- Je ... je ne veux ... veux pas y retourner. Lui dit-elle en sanglotant
- Je ferais nettoyer la chambre demain
- Ja...jamais ... Je ... ne pourrais ...
- Chut ...

Il la maintenait blottie contre lui et lui caressait les cheveux. Elle était épouvantée. Bientôt, elle finit pourtant par se calmer. Les larmes se tarirent mais aucun d'eux ne brisa le lien qui à l'instant les unissait. Retrouvant ses esprits, Gaëlle le repoussa mais une douleur au mollet la fit trébucher. Elle se rattrapa à sa taille. Elle osa alors un regard vers lui. Ses yeux avaient changé, leurs prunelles s'étaient faites plus sombres. Sa respiration était saccadée. Elle vit son visage s'approcher du sien, ses lèvres se poser sur les siennes. D'abord très doux, son baiser se fit ardent. Il plaqua son corps contre le sien, lui montrant ainsi à quel point il la désirait. Gaëlle lui répondait avec passion. Quand elle entrouvrit les lèvres, il en profita pour introduire sa langue dans bouche. Elle était si désirable. De son côté la jeune femme goûtait à la joie du baiser de Guy. Elle avait déjà été embrassée mais jamais elle ne s'était ainsi enflammée. Elle voulait plus et quand la main de son compagnon vint lui caresser le bas du dos, elle ne put retenir un gémissement. Mais il la lâcha. Du bout des bras, il la maintint loin de lui.
- Non ...
- Pourquoi?
- Je ne peux pas lui faire ça ...
- Faire quoi ...
- Je ne trahirai pas Amicia! Sortez! Sortez tout de suite de ma chambre!!
- Mais ....

Elle n'eut pas le temps de lui dire qu'elle ne savait pas où aller qu'il lui prit le bras et la mit dehors claquant la porte derrière elle. Seule, en chemise de nuit dans le noir, elle se dirigea comme elle put. Elle arriva jusque dans la nursery où les enfants dormaient paisiblement. Elle attrapa la couverture en trop que Guillaume avait repoussé et s'y enroula avant de se laisser choir sur le sol. Et à ce moment là, elle put enfin laisser cours à ses larmes.

Le lendemain, Gaëlle fut la première réveillée et quitta la nursery avant le levé des enfants. Elle emprunta une robe à la cuisinière et rassemblant son courage, elle alla frapper à la porte du bureau de Guy. Après qu'il lui eut donner la permission d'entrer, elle s'avança jusque sa table de travail. Il était marqué par une nuit sans sommeil passé à boire. Pourtant malgré la fatigue, l'alcool et le manque de sommeil, il lui apparaissait toujours comme l'homme le plus séduisant qu'elle connaissait.
De son côté Guy la vit avancer dans une robe deux fois trop grande pour elle. Elle portait, tout comme lui les stigmates d'une nuit sans sommeil, mais il y avait quelque chose sur son visage de différent. Elle lui semblait à la fois triste et résignée. Pendant la nuit, il s'était persuadé qu'elle n'était qu'une vile séductrice qui cherchait à entrer dans son lit. A cet instant précis, elle n'était plus que l'ombre d'elle même. Il voulut prendre la parole mais elle le prit de cours.
- Je vous prie de bien vouloir excuser ma conduite de la nuit dernière. Je comprendrai cependant si vous décidiez de me renvoyer. Les enfants n'ont pas à fréquenter une femme qui ne se comporte guère mieux qu'une catin.

Sa voix tremblait, elle déglutit pour ne pas pleurer. Il ne le fallait pas. Guy ne devait pas voir à quel point elle était touchée et peinée. Quelque part au milieu de la nuit, elle avait réalisé qu'elle l'aimait. Mais il n'était et ne serait jamais pour elle. Elle l'avait compris. De son côté, Guy la regardait. Elle paraissait si fragile et pourtant si déterminée.
- Je n'ai pas l'intention de vous renvoyez. Vous êtes parfaite avec les enfants, ils vous aiment beaucoup.
- Merci.
- Gaëlle, je ...
- Si vous permettez, le coupa-t-elle, j'aimerai m'installer dans la pièce à côté de le nursery.
-Ce n'est guère qu'un débarras! Il n'y a même pas de fenêtre! Je vais faire assainir votre chambre.
- Je ne pourrais plus jamais y dormir. Dans l'autre pièce, je serais plus proche des enfants.

Et loin de lui aussi, il su immédiatement qu'en choisissant cette pièce, elle voulait mettre le plus de distance entre elle et lui. Elle avait certainement raison mais l'idée lui déplaisait. Mais il ne pouvait pas la forcer.
- Parfait, si c'est ce que vous voulez.
- Merci.

A partir de ce jour, la vie fut tout autre à Nottingham. Si Gaëlle était exemplaire avec les enfants, elle avait cesser de se mêler de la vie de la famille. Guillaume et Aelys prenaient leurs repas avec leur père tandis qu'elle-même restait avec les domestiques.
Chaque soir, Guy s'occupait du coucher des enfants tout en sachant qu'elle se trouvait non loin, dans le réduit à côté. Gaëlle s'était liée d'amitié avec Robin et Marian qui la traitait comme une des leurs. De fait, elle passait tous ses moments libres avec eux et souvent elle emmenait les enfants. Ceux-ci avaient retrouvé toute l'insouciance de leur âge et respiraient la gaité. Bien évidemment leur mère leur manquait mais dans les moments de tristesse, ils s'adressaient à leur père.

Un jour, Robin et Marian, invitèrent Gaëlle à passer quelques temps à Locksley. L'anniversaire d'Amicia approchait, ses parents étaient attendus et l'atmosphère allait considérablement changer. Ayant deviner les sentiments de leur amie, ils redoutaient de la laisser dans le château qui deviendrait bien un mausolée à la gloire de la défunte. Et si cela leur paraissait tout à fait normal, ils ne voulaient pas que la jeune femme soit une nouvelle fois blessée. Elle avait refusé de leur parler de ce qu'il s'était passé mais tous deux savaient que Guy l'avait cruellement blessée.

Le soir précédent l'arrivée des parents d'Amicia, Gaëlle alla frapper à la porte de Guy, pour lui rappeler qu'elle s'en irait à l'aube pour Locksley. Après avoir frappé plusieurs fois sans avoir de réponse et ayant entendu du bruit, elle osa entrer dans la pièce. Guy était à genoux, en larmes devant la cheminée. Il tenait dans ses mains une boîte.
- Guy?
- Je l'ai cassée... Elle était à Amy ... je voulais l'offrir à Aelys et je l'ai cassé.

Gaëlle se mit alors à sa hauteur, posa la main sur les siennes. La boîte était magnifiquement ouvragée et semblait démantibulée.
- Je peux?
- Elle est cassée

Bien que certain qu'il n'y avait plus rien à faire, il consentit à lui tendre l'objet. A bien y regarder, le mécanisme de fermeture n'était pas cassé, juste déboité. En quelques tentatives, la jeune femme, habituée à réparer les jouets des enfants, parvint à le remettre en place.
- Voilà, elle n'a plus rien.
- Merci ....
- Je la pose sur la tablette. Vous pourrez la donner à Aelys demain. Mais si vous voulez un conseil, attendez un jour plus important, comme son mariage ou ses fiançailles.
- Elle m'a demandé un souvenir de sa mère.
- Elle n'aura pas de meilleur souvenir que le reflet qu'elle voit dans le miroir.
- Merci ...
- Je ne fais que mon travail, sir.
- Vous m'appeliez Guy tout à l'heure.
- Je n'aurais pas du.

Gaëlle déposa la boite et en admira le motif. Elle n'aurait jamais du entrer dans cette pièce et le voir ainsi. Elle l'aimait et il lui avait brisé le coeur lorsqu'il l'avait regardé les yeux pleins de larmes et si désemparé.
- Je lui avais offert cette boîte pour notre anniversaire de mariage.
- C'est un très beau cadeau. Lui répondit-elle en consentant enfin à lui faire face. Sir Gisborne, j'étais venu vous prévenir de mon départ.
- Ainsi vous me quittez
- Je pars quelques jours pour Locksley. Vos beaux-parents seront présents et vous ne remarquerez même pas mon absence.
- Et si Ector et Héliape souhaitaient rencontrer la femme qui s'occupe de leurs petits enfants.
- Je ne serais qu'à une heure de cheval de Nottingham
- Une heure de trop.
- Pardon?

Il s'approcha d'elle, doucement leva la main et vint lui caresser la joue. Elle avait la peau douce et fraîche. De son côté, Gaëlle était troublée mais pas assez pour oublier que quelques instants plus tôt, elle l'avait trouvé pleurant sur une boîte qu'il croyait cassée.
- Je ne peux rester, j'ai encore mes bagages à terminer
- Je ne veux pas que vous partiez. Ce château a déjà perdu son âme une fois, je refuse que cela arrive une seconde fois.
- Avez-vous bu monsieur?
- Pas une goutte. Tu ne vois pas que tu m'as ensorcelé? Depuis quelques mois que tu es là, tu t'es infiltrée dans mes pensées. Ce fut d'abord par petites touches mais depuis que tu me fuis, je n'ai plus de répit. Tu es constamment de ma tête et te savoir si loin me rendra fou.
- Ne ... je ...
- Ne me repousses pas Gaëlle.
- Je ne suis pas Amicia, lui répondit-elle dans un mouvement de défense.
- Je le sais et personne ne prendra jamais sa place. Je ne te le demande pas. Je veux juste que tu me prennes tel quel sans rien demander de plus.
- Si je reste cette nuit, je partirai quand même demain, je ne pourrais regarder les parents de votre épouse en sachant que...
- Mais tu reviendras?
- Je reviendrai

A peine eut-elle prononcé ces mots qu'il l'attira à lui et l'embrassa. Il en avait envie depuis le soir où il l'avait si durement congédié. Il l'avait alors passé des nuits à ne penser qu'à elle. Et quand le sommeil lui venait enfin, il rêvait d'Amicia. Chaque matin apportait son lot de culpabilité. Mais ce soir, il ne voulait plus penser. Gaëlle était là bien vivante dans ses bras et il avait envie d'elle. Il la débarrassa très rapidement de ses vêtements et la déposa sur le tapis, devant l'âtre. Elle était magnifique. Elle tressauta quand il passa la main sur son corps. Il sourit. Sa bouche prit le relai de ses mains, elle se cambra. Elle avait besoin de se sentir plus proche de lui, de connaître la sensation de sa peau contre la sienne. Elle entreprit donc de lui retirer sa chemise. Il lui repoussa les mains et se déshabilla seul. Il était le premier homme nu qu'elle voyait, elle eut un moment d'hésitation. Mais très vite l'envie prit le pas sur l'appréhension. Elle le toucha, ce qui mit le feu aux poudres. Incapables de se retenir, Guy fondit sur elle l'emmenant dans un feux d'artifices de sensations. Quand à bout de souffle, ils reposèrent l'un contre l'autre, Guy s'inquiéta pour elle:
- Je suis désolé, j'aurai du être plus prévenant
- Me suis-je plainte?
- Mais peut être as-tu eu mal?
- Un peu au début mais la douleur est vite passée. Lui répondit-elle rougissante.

Il lui embrassa la tempe et caressa le bras. La passion passée, elle avait froid. Il attrapa un plaid et la couvrit, la serrant dans ses bras. A son grand étonnement, il s'endormit très vite, serein. Gaëlle n'eut pas ce bonheur. Des doutes vinrent l'assaillir. Elle venait de se donner à lui. Elle était perdue et ne valait guère mieux qu'une fille des rues. Pourtant, elle l'aimait et ne regrettait rien.Il bougea. Dans son sommeil, un sourire vint étirer son visage. Il était si paisible qu'elle ne put s'empêcher de déposer un baiser sur ses lèvres. Sans ouvrir les yeux, il resserra son étreinte et murmura:
- Je t'aime Amy.

Un froid glacial s'empara de Gaëlle. Elle se dégagea de ses bras et le plus silencieusement possible ré-enfila ses vêtements. Tel un automate, elle attacha sa robe, mit de l'ordre dans ses cheveux. Elle s'était laissée aller à l'espoir alors qu'il n'y en avait aucun. Se souvenant de ses paroles quelques heures plus tôt, elle étouffa un hoquet. Il l'avait prévenue mais elle ne l'avait pas écouté. D'ailleurs, il ne l'avait pas couchée sur le lit d'Amicia mais sur le tapis comme la domestique qu'elle était. Elle savait où été sa place et ne l'oublierait plus. Sur le chemin jusqu'à sa propre chambre, elle fut prise de nausée et n'eut que le temps de trouver un pot pour rendre son diner. Quand enfin, elle s'allongea sur son lit, l'aube était presque déjà là. Elle ne s'endormit pas ni ne pleura. Elle n'en avait pas la force.